Il y a quelques jours, je souhaitais faire un article pour remercier France Télécom, pardon, l'opérateur historique, de nous avoir privé d'ADSL pendant un bon mois et demi simplement parce qu'un technicien a "oublié" de nous rebrancher après le dégroupage.
Mais la vie continue et l'absence d'accès Internet, les appels téléphoniques -dont les portables- devenus payants, deviennent secondaires quand l'administration vous a à la bonne.
Puisque nous nous sommes installés en tant que JA (Jeune Agriculteur), nous avons bénéficié de certains avantages, qui vont d'une subvention à l'installation à des prêts bancaires aidés (les prêts, exclusivement sur du matériel neuf, sont à 1% pour les JA, l'état prenant en charge le complément). Du coup, nous sommes régulièrement contrôlés pour vérifier que nous ne détournons pas l'argent du contribuable, ce que nous comprenons et acceptons.
Après une visite pour vérifier que les bâtiments agricoles que nous avons acquits en achetant la ferme étaient bien là, nous avons donc accueilli un nouveau contrôleur après l'achat des poulaillers.
Dans notre esprit, comme le plan de développement de l'exploitation - que nous avons élaboré avec feu l'ADASEA en 2009 pour défendre notre projet - le prévoyait, nous ne pouvions profiter du prêt bonifié pour les poulaillers qu'en contractant celui-ci en 2010. À cette époque, nous avions déjà tellement de retard sur nos prévisions que nous n'envisagions pas l'installation des poules avant de nombreux mois, mais rater un taux à 1% nous semblait idiot. Nous avons donc acheté le matériel.
Après avoir obtenu notre permis de construire, nous avions quand même, début 2011, attaqué les premières fondations lors de la visite de l'inspecteur, que j'ai donc sereinement guidé vers nos bâtiments en kit, rangés soigneusement sous une grande bâche. Mais l'homme ne se contenta pas de constater que le prêt avait bien servi à l'achat de poulaillers : ceux-ci auraient dû être fonctionnels !
Comme personne dans l'administration n'a été en mesure de nous donner une date butoir, nous avons rapidement mis cet incident de côté et continué à cultiver nos légumes pour essayer de gagner quelque argent...
Comme je l'ai déjà raconté dans l'article Premier poulailler, la construction n'était toujours pas terminée à la fin de l'année. L'administration étant tenace, elle nous a alors demandé de rembourser les intérêts à sa charge. Pour éviter cette perte sèche et essayer de clore le dossier rapidement pour revenir à nos petites occupations quotidiennes, nous avons anticipé le remboursement du prêt, ce qui a mis fin à l'affaire moyennant un petite dizaine de milliers d'euros.
La nouvelle saison commençait bien...
Mais nous avions aussi été contrôlé sur notre installation. Là, l'inspecteur a vérifié que les prêts utilisés pour l'achat du foncier et du bâti sont bien arrivés sur le compte de l'exploitation. Cela semblerait plus judicieux de le demander à la banque, mais bon, nous sommes bonne poire.
Nous devions aussi fournir, parait-il, le compte-rendu de l'audit que nous nous sommes engagé à subir. Comme convenu, nous nous sommes effectivement soumis à la visite d'une personne accréditée pour vérifier l'avancement de notre installation. Nous en étions même demandeur puisque chaque conseil est important lorsque l'on est pas du métier. Malheureusement, nous n'avons jamais eu le dit compte-rendu...
Là encore, il semblerait plus judicieux de demander à l'organisme qui l'a réalisé de le fournir, mais l'administration est ainsi faite. Laurence a donc fouillé nos archives, contacté les uns et les autres, mais nous n'avons pu que fournir la feuille d'émargement prouvant le passage de l'auditeur (en fait, celui-ci n'est plus en fonction et, à ce jour, le compte-rendu est toujours introuvable).
On nous reproche aussi de n'avoir toujours pas de poulets. Et comme nous avons des chèvres qui n'étaient pas dans les prévisions, le doute s'installe. Mais autant nous avions réussi à argumenter, avec notre interlocuteur lors de l'audit, sur le fait que les chèvres n'étaient là que parce qu'elles valorisent beaucoup plus les ronces que les poulets, et que ceux-ci ne pourraient de toute façon pas être installé tant qu'ils n'avaient ni abris ni parcours, autant il n'y a pas eu de discussion avec notre interlocuteur lors du contrôle...
Après remonté des informations à l'administration centrale par le contrôleur, le service concerné de la DDT (Direction Départementale du Territoire) nous a donc assigné aujourd'hui à rembourser les subventions et les intérêts des emprunts concernés, soit la modique somme d'une trentaine de milliers d'euros.
Pour l'heure, nous ne connaissons pas encore les conséquences qui en découleront au niveau de nos emprunts (le taux passera-t-il de 1% au taux du marché ou devrons-nous tout bonnement les rembourser ?) mais est-il besoin de préciser que si cette décision est confirmée, nous serons dans l'obligation d'arrêter notre projet pour chercher un travail plus rémunérateur ?
Quoi qu'il en soit, nous n'avons actuellement plus aucune motivations pour continuer à investir notre temps et notre argent dans cette entreprise qui ressemble de plus en plus au tonneau des danaïdes...
Ajout du 01/03/2012
Nous avons donc eu une réunion à la fin du mois dernier avec 2 représentants de la Chambre d'Agriculture pour faire le point sur notre situation.
Un des rôles de cette institution étant de représenter les agriculteurs auprès des services locaux de l'état, l'idée est de fournir à la DDT un compte-rendu plus étoffé que le courrier que nous avons retourné dans les 10 jours.
Cette réunion nous a déjà permis de mieux comprendre le décalage entre l'administration et nous. Alors qu'au quotidien nous travaillons principalement sur le maraîchage, ce qui le place dans notre esprit, mais aussi d'un point de vue économique, comme notre production principale, la DDT nous perçoit au travers de notre prévisionnel 2014, dans lequel ce sont les poulets qui représentent la production principale...
Par contre, la nouveauté depuis cette annonce de "déclassement total" fin janvier, c'est notre motivation par rapport à cette filière. Là aussi, le travail quotidien explique nos œillères. Alors que nous nous démenions depuis des mois pour voir courir des poulets sur notre propriété, nous ne nous posions plus particulièrement le problème du débouché.
En volaille de Bresse AOP (Appellation d'Origine Protégée), la demande est très forte localement et il n'y a pas de questions à se poser au niveau de la vente. Quand nous avons décidé d'abandonner l'AOP au profit de la bio, nous étions conscient que nous ne bénéficierions plus d'une filière spécifique, mais le message médiatique permanent qui rappel que la demande en bio est soutenue nous a leurré.
Quelle ne fût donc pas notre surprise quand, début février, dans l'optique de préparer cette réunion, nous avons contacté les différents abattoirs du coin (la Saône et Loire possède encore, heureusement, un certain nombre d'abattoirs de volailles) pour leur demander leurs tarifs et leurs contraintes en terme de quantité. Or, dans la région, aucun abattoir n'est intéressé par la filière bio !
Ce qui sous-entend, au delà de la problématique de l'abattage lui même (aujourd'hui, on n'égorge plus les poulets dans sa cuisine !), qu'il n'y a pas de filière de vente de poulets bio dans la région. Autrement dit, qu'il faut réussir à tout vendre en direct au consommateur, ce qui divise au moins par 10 les quantités envisageables, et les revenus correspondants...
Le seul choix restant consiste donc à modifier notre PDE pour remplacer la volaille de chair par des fromages bio et des œufs bio. Encore faut-il que la DDT nous autorise à le faire.
À l'heure actuelle, nous sommes donc dans l'attente :
- que les conclusions de cette réunion soient avalisées par la Chambre et qu'un compte-rendu en ce sens soit transmit à la DDT,
- que la DDT accepte la proposition et nous donne le temps de construire un nouveau PDE,
- que ce nouveau PDE soit accepté.
Tout refus lors de l'une de ces 3 étapes entraînera "le déclassement total" de notre installation et le remboursement des aides, avec les conséquences que l'on sait.